La Libre m’interrogeait ce matin concernant le rapatriement des mères avec les enfants belges partis en Syrie. Ma position en claire.
Le gouvernement Michel puis le gouvernement Wilmès avaient décidé de rapatrier les enfants de 0 à 10 ans. Un distinguo a été fait avec les enfants de 10 à 18 ans, puis les mères, puis les pères, en suivant une pyramide de dangerosité potentielle et in fine un risque pour la sécurité intérieure en Belgique. Toutefois, le gouvernement maintient sa position de considérer chaque rapatriement au cas par cas. Il faut évaluer le degré de dangerosité de la personne, ses liens, ses accointances, son risque de récidive, la façon dont elle pourrait être encadrée avant de décider un éventuel rapatriement. Notre principe est de mettre à l’abri – et de rapatrier – les enfants mais le problème est qu’aujourd’hui les autorités kurdes et turques souhaitent qu’on embarque aussi les parents. Cela complexifie les dossiers. Un exemple: si nous prenons des mères, une telle discrimination selon le genre pourrait être attaquée en justice.
Il y a des mères dont on ne sait rien et d’autres qui ont assurément participé à des actes terroristes et des crimes de sang. Sans enquête correcte sur place – impossible vu la situation de crise et de guerre –, la justice rendue en Belgique et un procès tenu ici seraient bâclés. La Belgique ne peut se le permettre. L’autre argument contre ces rapatriements de parents est de refuser des prises de risque inconsidérées. La Chambre s’était prononcée contre l’envoi de militaires belges sur le sol syrien. Nous ne voulons pas ajouter du chaos au chaos et mettre en péril nos policiers et nos militaires en montant une opération unilatérale. Lemultilatéral s’impose dans de tels cas extrêmes et nous attendons de pouvoir nous positionner avec nos voisins.
Le juge bruxellois a estimé que l’État belge devait rapatrier 10 enfants mais que les parents ne pouvaient pas avoir recours à l’assistance consulaire parce qu’ils étaient entrés de leur propre chef dans une zone de conflit. Je me réjouis que le juge ait abondé dans ce sens. J’acte aussi que le ministre des Affaires étrangères Philippe Goffin n’a pas fait appel de cette décision qui va dans le sens de l’action du gouvernement. Les gens qui ont rejoint l’État islamique sont partis pour combattre nos valeurs, les valeurs d’un État de droit occidental. Aujourd’hui, à cet État contre lequel ils luttent et dont ils ne se revendiquent pas, ils demandent leur rapatriement. Il y a une contradiction profonde.
(Entretien avec Thierry Boutte pour La Libre)
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