Ce jeudi, en séance plénière, nous débattons du texte cosigné par le MR concernant la situation en Pologne.
Ce pays a multiplié, ces derniers mois, les provocations à l’égard de l’Union européenne et a connu une dégradation de son État de droit démocratique. Dernier fait en date, en octobre la justice y a décidé que le droit polonais primait sur le droit européen, et ce en contradiction totale avec les fondements juridiques de l’Union, que la Pologne avait pourtant accepté en en devenant membre.
L’Union européenne ne peut rester sans réaction face à cette situation. Aucun État n’a jamais été forcé à la rejoindre, mais une fois le choix fait, on ne peut pas décider unilatéralement de ne plus suivre les règles. Ne pas réagir constituerait donc un grave précédent. C’est la raison pour laquelle une procédure d’infraction a été enclenchée il y a quelques semaines.
Dans notre texte, nous rappelons que l’Union européenne défend des valeurs et que chacun de ses États s’est engagé à respecter les valeurs de libertés, d’humanisme et les droits fondamentaux. Nous insistons donc fortement pour que l’Union européenne se fasse respecter et prenne des décisions fortes face à cette situation. Cela est primordial !
Voici le texte qui est soumis au vote :
la Chambre Des représentants,
A. vu les articles 2, 3, 4, 6 et 7 du Traité sur l’Union européenne (TUE), les articles 49, 56, 114, 167 et 258 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), relatifs au respect, à la promotion et à la protection des droits fondamentaux;
B. vu la décision de la Commission européenne du 20 décembre 2017 d’envoyer une proposition motivée au Conseil, invitant ce dernier à intervenir, conformé- ment à l’article 7, paragraphe 1er, du Traité sur l’Union européenne;
C. considérant que le Tribunal constitutionnel polonais illégalement constitué a jugé, le 14 juillet 2021, que les mesures provisoires de la Cour de justice de l’Union européenne relatives à la structure des tribunaux en Pologne étaient contraires à la Constitution polonaise;
D. vu l’arrêt rendu par la Cour de justice le 15 juillet 2021 concernant l’affaire C-791/19, dans lequel elle a estimé que le régime disciplinaire polonais applicable aux juges n’est pas compatible avec le droit de l’Union européenne;
E. considérant que des manifestations pacifiques pro-Union européenne, rassemblant au total plus de 100 000 citoyens polonais, ont eu lieu le 10 octobre 2021 dans toute la Pologne;
F. considérant que la Fédération européenne des juges administratifs a également indiqué qu’elle estimait que la décision rendue par la “cour constitutionnelle” illégale n’est pas compatible avec le principe fondamental de la primauté du droit de l’Union européenne;
G. vu le Règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union (“le Règlement sur la conditionnalité liée à l’État de droit”);
H. vu le Règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 établissant la facilité pour la reprise et la résilience;
I. considérant qu’une très large majorité des répon- dants à une enquête Flash Eurobaromètre réalisée par IPSOS en août 2021 a indiqué estimer que l’Union européenne ne devrait fournir des moyens financiers à un État membre que si le gouvernement de cet État membre respecte les principes de la démocratie; consi- dérant que ce pourcentage était également très élevé en Pologne (72 %);
J. vu la résolution du Parlement européen du 17 sep- tembre 2020 sur la proposition de décision du Conseil relative à la constatation d’un risque clair de violation grave, par la République de Pologne, de l’État de droit (COM(2017)0835-2017/0360R(NLE));
K. considérant que l’Union européenne fonctionne sur la base d’une confiance mutuelle dans le fait que les États membres se conforment aux principes de I’État de droit et de la démocratie, ainsi qu’aux droits fondamentaux inscrits dans la Charte des droits fondamentaux et dans la Convention européenne des droits de l’homme ainsi que dans les différents traités de l’Union européenne;
L. considérant que l’État de droit constitue l’une des valeurs fondatrices communes de l’Union, et que la Commission européenne, en tant que gardienne des Traités – avec le Conseil et le Parlement européen –, est chargée de veiller à ce que le respect de l’État de droit soit garanti;
M. considérant que l’indépendance du pouvoir judi- ciaire, inscrite à l’article 47 de la Charte des droits fon- damentaux et à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, est une condition essentielle de la séparation des pouvoirs;
N. considérant que la Belgique est un État fondateur du projet européen et qu’à ce titre, elle se doit de défendre les valeurs et les droits inhérents à ce projet commun;
O. vu la résolution du Parlement flamand du 25 avril 2018 sur les récentes évolutions en Pologne et la dé- fense des valeurs et fondements européens, en parti- culier de l’État de droit et de la séparation des pouvoirs (1423(2017-2018)-nr.7);
P. vu le vote intervenu en commission des Affaires juri- diques (JURI) du Parlement européen le jeudi 14 octobre 2021, et ensuite le courrier du président du Parlement européen David Sassoli sur le lancement d’une procédure judiciaire contre la Commission européenne au sujet de l’activation du mécanisme de protection de l’État de droit;
Q. considérant la déclaration du premier ministre De Croo à la Chambre, le 12 octobre 2021, selon laquelle l’arrêt en question du Tribunal constitutionnel polonais constitue ‘une menace directe pour notre prospérité et notre sécurité, en Belgique aussi’;
R. considérant que l’Union a besoin d’une cohésion interne pour pouvoir faire face aux défis et aux menaces au niveau mondial;
S. vu l’approbation, par le Tribunal constitutionnel polonais, de la proposition de loi restreignant le droit à l’avortement, par un jugement du 22 octobre 2020 qui confirme l’inconstitutionnalité d’une interruption de grossesse en raison d’une anomalie grave et irréversible du fœtus ou d’une maladie incurable potentiellement mortelle pour le fœtus;
T. considérant le contrôle étroit du Tribunal consti- tutionnel par le pouvoir national aux mains du parti conservateur PiS;
U. considérant l’interdiction de fait d’avorter qui découle d’une telle décision, ne laissant plus que trois possibilités aux femmes de recourir à une interruption volontaire de grossesse: le viol, l’inceste et la menace pour la santé et la vie de la mère;
V. considérant que les avortements pour motif d’ano- malie ou de maladie potentiellement mortelle du fœtus constituaient la quasi-totalité des avortements légalement effectués en Pologne;
W. considérant que l’un des seuls motifs d’avortement actuellement accepté en Pologne, à savoir celui basé sur un viol, n’est que très rarement appliqué, vu les difficultés rencontrées pour obtenir un certificat confirmant que la grossesse est le résultat d’un acte criminel;
X. vu les conséquences médicales et juridiques des avortements clandestins et des avortements pratiqués à l’étranger, qui sont provoqués par cette loi;
Y. vu l’impact de cette loi sur la situation des femmes en Pologne, en ce compris leur santé et leur sécurité;
Z. considérant que le gouvernement entend soutenir financièrement le collectif Abortion Without Borders, qui permet aux femmes polonaises d’avorter à l’étranger, l’interruption volontaire de grossesse étant devenue quasi impossible en Pologne, et ce dans les limites prévues par la législation belge;
i. est profondément préoccupée par la récente décision du ministre polonais De la Justice d’entamer officiellement la dénonciation de la Convention D’Istanbul par la Pologne, estimant qu’il s’agirait d’un recul grave à l’égard de l’égalité des sexes, des Droits des femmes et de la lutte Contre la violence fondée sur le sexe;
ii. Demande au gouvernement fédéral:
1. de déployer des efforts supplémentaires pour convaincre la Pologne de la valeur ajoutée du projet européen et des valeurs européennes, et pour préserver l’unité au sein de l’Union européenne;
2. d’insister, avec les autres États membres, au sein du Conseil pour qu’une nouvelle procédure soit ouverte contre la Pologne en application de l’article 7 TUE et de plaider dans des termes plus généraux pour un élargis- sement du mandat de la procédure article 7 TUE pour la Pologne pour qu’elle inclue les développements les plus récents en termes d’État de droit, d’indépendance de la justice, de liberté et d’indépendance des médias et de respect des droits fondamentaux;
3. de plaider auprès de la Commission européenne pour qu’elle continue à retenir les moyens du Fonds de relance européen (Next Generation EU) destinés à la Pologne et conditionne la présentation de celui-ci au Conseil pour approbation au respect par la Pologne d’un certain nombre de conditions dont:
a) le démantèlement de la chambre disciplinaire de la Cour suprême;
b) la fin du régime disciplinaire des juges (la “loi muselière”);
c) la réinstallation des juges sanctionnés;
4. de plaider auprès de la Commission européenne pour qu’elle active le mécanisme de protection de l’État de droit dans le cadre du budget pluriannuel et qu’elle examine dès maintenant si d’autres fonds européens peuvent être retenus dans l’attente de la future décision de la Cour européenne sur le mécanisme de protec- tion de l’État de droit et ce, compte tenu du risque de manquements graves en matière de fonctionnement efficace des systèmes de contrôle en Pologne en raison de l’absence d’indépendance du pouvoir judiciaire, qui compromet la légalité et la régularité des dépenses;
5. de demander à la Commission d’utiliser tous les instruments à sa disposition pour éviter que les citoyens et les résidents polonais soient privés du financement de l’Union européenne à cause de l’action du gouvernement actuel, et de trouver des solutions qui permettent à la Commission de fournir directement les moyens financiers aux bénéficiaires finaux, y compris pour soutenir les organisations de la société civile polonaise qui garantissent l’accès aux droits sexuels et reproductifs;
6. d’insister, dans le cadre de tous ses contacts bila- téraux avec le gouvernement polonais, pour que celui-ci exécute de manière complète et cohérente et dans leur esprit les jugements de la CJUE: la suppression de la chambre disciplinaire de la Cour suprême, le retrait de la loi disciplinaire, l’annulation des nominations irrégulières des juges de la chambre disciplinaire et l’annulation de l’ensemble des actes posés par cette chambre disciplinaire;
7. de continuer à coopérer avec des États membres qui partagent sa manière de voir au sujet de la de la Cour suprême polonaise, en particulier avec les parte- naires du Benelux;
8. de condamner la politique relative à l’interruption volontaire de grossesse menée par le gouvernement polonais, ainsi que le net recul du droit à la santé et des droits des femmes en matière de sexualité et de procréation en Pologne;
9. de condamner la nouvelle législation relative à l’interruption volontaire de grossesse entrée en vigueur le 27 janvier 2021;
10. de condamner la décision du Tribunal constitu- tionnel polonais du 22 octobre 2020 qui juge anticonsti- tutionnel un avortement en raison d’une anomalie grave et irréversible du fœtus ou d’une maladie incurable potentiellement mortelle pour le fœtus;
11. dans tous les contacts bilatéraux avec le gouver- nement polonais, de demander instamment que le plein accès aux droits et à la santé en matière de sexualité et de procréation soit assuré sans délai et mis à la disposition de l’ensemble des femmes et des filles; de demander au gouvernement polonais d’abroger la loi restreignant l’accès à la pilule contraceptive d’urgence et de respecter, d’appliquer et de promouvoir le droit des femmes à la vie, à la santé et à l’égalité, ainsi que leur droit de ne pas être victimes de discrimination, de violence, de torture, ni de traitements cruels, inhumains et dégradants;
12. d’exhorter les autorités polonaises à reconsidérer leur retrait de la Convention d’Istanbul et à assurer sa mise en œuvre effective et efficace; et de demander au Conseil de l’Union européenne de finaliser la ratification de la Convention d’Istanbul par l’Union européenne dès que possible;
13. d’affecter efficacement le soutien financier accordé au collectif Abortion Without Borders conformément à la législation belge sur l’avortement et d’examiner si notre pays peut contribuer d’autres manières à la santé et aux droits sexuels et reproductifs des femmes, y compris en ce qui concerne l’accès aux moyens de contraception.
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