Après avoir visionné le terrible film de Thierry Michel, « l’Empire du silence », qui dénonce le silence de la communauté internationale au sujet du conflit qui ravage le Congo, et avoir débattu avec son réalisateur, nous avons poursuivi avec des discussions sur la lutte contre la corruption dans ce pays.
Nous avons, dans ce cadre, rencontré Jules Alingete Key, Inspecteur Général des Finances de RDC. Il est aujourd’hui parmi les personnes les plus protégées du pays. Et pour cause, il a pour mission d’y enrayer la corruption, pourtant présente dans des proportions à peine croyables.
Dans ce pays grand comme plus de la moitié de l’Union européenne et peuplé par plus de 90 millions d’habitants, c’est une véritable révolution contre ce fléau que tente de mener le Président Tshisekedi.
Rendez-vous compte, lors de son accession au pouvoir en 2019, la RDC se trouvait à la 178è place sur 188 pays en termes d’indice de perception de la corruption, avec un score de 18% à peine. Parmi les plus mauvais élèves du monde, donc.
Tous les domaines étaient impactés : les contrats miniers, les sociétés forestières, etc. Même les fonds COVID ont été touchés. Comme nous l’a dit l’Inspecteur, presque tous les marchés publics étaient passés en violation de la loi. « Sur 10 marchés, 10 étaient corrompus », nous a-t-il affirmé, via des surfacturations, des détournements, du blanchiment, etc.
Moins de 20% des dépenses publiques arrivaient réellement à destination, tandis que 80% partaient dans la corruption ! Et pour ce qui concerne les entreprises publiques, aucune n’est en ordre de paiement des salaires, certaines accusant même jusqu’à 100 mois d’arriérés ! Il n’y avait aucune volonté d’implanter de la bonne gouvernance.
L’arrivée au pouvoir de Tshisekedi il y a trois ans représente un réel espoir en la matière. Dès son entrée en fonction, il a mobilisé quatre organes de lutte contre la corruption : la Cour des Comptes, l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption, la Cellule nationale de renseignement financier et l’Inspection Générale des Finances, qu’il a placée sous son autorité directe.
De nombreuses mesures ont été prises. De réels contrôles ont été mis en place, a priori et non plus a posteriori ; les transactions immobilières doivent désormais obligatoirement être réalisées par voie bancaire avec un contrôle étroit du cadastre, etc.
Résultat: les rentrées fiscales, sans augmenter l’impôt, sont passées de 7 à 12% du PIB en trois ans. De 4 milliards de dollars en 2019 à 7 milliards en 2021 et 11 milliards cette années. L’objectif est d’atteindre les 20 milliards en 2024. Cinq fois plus en cinq ans !
Plus de trente mandataires d’entreprises publics ou gouverneurs ont été révoqués pour détournements de fonds publics ; plus de 1000 exonération d’impôts illégales ont été désactivées, sur 1600 ; plus de 150 cartes de crédits du fonds national du Trésor (permettant chacune de retirer 50 mille dollars par jour) ont été désactivées ; …
De nombreux anciens responsables d’entreprises publiques ont été la cible d’enquêtes et devront s’expliquer devant la justice. L’ancien secrétaire général du ministère de l’agriculture a été condamné à cinq ans de prison et l’ancien ministre lui-même attend son procès. La Banque Centrale, « siège de la corruption » selon l’Inspecteur, a pour sa part fait l’objet d’un audit complet.
Les choses changent, un ménage est fait. Mais cela prendra du temps. C’est toute la société qui doit évoluer. Comme nous l’a dit Jules Alingete Key : « détourner de l’argent était avant perçu comme un acte de bravoure ». Tout est mis en œuvre pour changer cette philosophie. Des campagnes sont menées, les artistes sont mobilisés, les influenceurs sont investis, afin que l’ensemble des couches de la population se joigne à ce mouvement anti-corruption. Il faut « frapper le cœur de la dignité et réveiller la justice » a insisté l’Inspecteur.
Et demain ? L’Inspecteur souhaite que le pays poursuive cette mobilisation. Il demande à la communauté internationale de reconnaitre l’effort qui est fait. Après son arrivée au pouvoir, Tshisekedi avait dit qu’il n’ imaginait pas l’ampleur de la situation. Trois ans plus tard, les résultats se font déjà ressentir. Encourageons ce pays qui souffre tant à avancer vers la bonne gouvernance !
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