04.01 Michel De Maegd (MR): Madame la présidente, monsieur le ministre, depuis plusieurs mois, les lieux de culte sont, sans distinction, limités à quinze personnes, avec pour conséquence la fermeture pure et simple de certains d’entre eux. Cette mesure affecte chaque jour un peu plus les nombreux croyants qui vivent dans notre pays et se retrouvent bridés dans l’expression et l’exercice de leur spiritualité.
Fin janvier dernier, des représentants des cultes catholiques romain, protestant, évangélique, israélite, anglican, islamique et orthodoxe vous envoyaient un courrier commun, plaidant pour que la règle soit revue et adapte les restrictions en fonction de la surface disponible, en acceptant, par exemple, une personne pour dix mètres carrés. Une centaine d’entre eux ont manifesté à Bruxelles le mois dernier.
Depuis près d’un an, les règles en la matière ont changé à de nombreuses reprises: proportionnalité à la surface disponible, célébrations en extérieur, fermeture totale, et puis règle de quinze.
Monsieur le ministre, comment se justifie aujourd’hui la règle en vigueur? Quelle est la logique de voir une petite église de campagne pouvoir accueillir autant de fidèles que la grande cathédrale des Saints Michel et Gudule? Disposez-vous, avec le recul, de données affirmant que la règle actuelle est plus efficace que la règle précédente limitant le nombre de personnes en fonction du nombre de mètres carrés? En France, par exemple, la règle est de n’occuper qu’une rangée sur deux et un siège sur deux. À votre connaissance, cette mesure a-t-elle mené à plus de contaminations dans les lieux de culte? Enfin, comment envisagez-vous l’évolution de cette règle dans les prochaines semaines?
04.02 Vincent Van Quickenborne, ministre: Madame la présidente, monsieur De Maegd, la liberté religieuse est un droit constitutionnel fondamental. Je n’opère aucune distinction entre les différents cultes. Pour cette raison, le 9 décembre, j’ai tenu une réunion avec des représentants de chacun de ceux qui sont reconnus. Tous ensemble, nous avons mesuré l’importance de la liberté religieuse et les risques de son exercice collectif au regard de la santé publique. Compte tenu des chiffres corona défavorables à cette époque, et encore maintenant, nous nous sommes mis d’accord pour autoriser un maximum de quinze personnes simultanément dans un lieu de prière. Nous convînmes aussi d’évaluer cet accord dès que les chiffres corona le permettraient.
En effet, à la mi-janvier, les différents représentants des cultes reconnus m’ont adressé une lettre contenant la proposition d’un assouplissement de la règle de quinze. Le 26 janvier, nous avons de nouveau tenu une réunion et, vu que les chiffres ne permettaient pas encore d’assouplissement, nous nous sommes accordés à ne pas alléger cette règle. Le 19 février, en vue du Comité de concertation du 26 février, les représentants des cultes reconnus m’ont adressé une nouvelle lettre, dans laquelle figurait la même demande. Je leur ai répondu que nous en discuterions certainement lorsque les assouplissements des règles corona seraient envisagés.
Comme vous le savez, lors du Comité de concertation du 26 février, aucun assouplissement n’était possible, compte tenu de la hausse des chiffres d’hospitalisation.
J’en arrive à votre question relative à la logique d’une petite église et d’une cathédrale. Cette question est pertinente. Lors de la réunion du 9 décembre, il était important de s’accorder sur une règle simple. Au lieu de retenir l’idée d’une personne par dix mètres carrés, on a décidé de limiter le nombre à quinze personnes pour les lieux de culte.
Depuis lors, un arrêt du Conseil d’État a confirmé cette règle des quinze personnes. Je précise qu’il n’est pas question ici de l’arrêt initial qui a servi de base à la discussion du 9 décembre et à l’adaptation de l’arrêté ministériel.
Pour répondre à votre question de savoir si nous disposons maintenant de données probantes, sachez, monsieur De Maegd, que nous nous basons sur des informations fournies par les experts scientifiques du Comité d’experts sur la stratégie de gestion. Il est évident que les personnes qui se rassemblent à l’intérieur courent un plus grand risque de propager le virus ou d’être infectées par le virus. C’est pour cette raison que, le 9 décembre dernier, j’ai convenu, avec les représentants des cultes, de la règle dont j’ai parlé.
Quant à la règle qui prévaut en France, elle est différente. Vous m’avez demandé si, à ma connaissance, elle avait mené à plus de contaminations. Sincèrement, je ne dispose pas de chiffres exacts en provenance notamment de la France. Je ne commenterai pas les règles d’application dans ce pays. Je ne dirai pas non plus qu’il y a plus de contaminations en France qu’en Belgique. Nous n’avons aucune preuve à ce sujet.
Quel est le plan pour les semaines à venir? Je suis à l’écoute des demandes des représentants des cultes, tout comme c’est le cas du kern et du Comité de concertation.
Dans le cadre du Comité de concertation du 5 mars dernier, il a été décidé d’autoriser un certain nombre d’activités de plein air. J’ai demandé explicitement d’ajouter les cultes au culturel et à l’évènementiel. Donc, à partir du 1er avril, les cultes collectifs seront autorisés à l’extérieur avec un maximum de cinquante personnes à la fois. Comme convenu avec les représentants des cultes, nous leur accorderons des assouplissements dès que cela sera possible.
Les assouplissements pour les activités intérieures, y compris l’augmentation de la limite de quinze personnes pour les services de culte collectifs à l’intérieur – par exemple, la présence d’une personne par dix mètres carrés, comme vous le proposez – seront prévues, dès le mois de mai. Nous devons encore discuter des modalités à ce sujet, comme nous devons encore discuter des modalités pour le secteur de l’horeca. Je ne veux évidemment pas comparer ce secteur avec les cultes. Il ne faut pas qu’il y ait de malentendu.
Jusqu’au 31 mars 2021, la règle des quinze reste donc en vigueur pour tous les cultes
04.03 Michel De Maegd (MR): Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse. Je me fais ici le porte-parole de nombreux fidèles qui m’interpellent en tant que député et qui ne comprennent pas, à juste titre, cette limitation à leur liberté d’exercer leur culte. Je fais partie de ceux qui pensent que la foi et la religion relèvent de la sphère privée mais, ici, c’est bien l’État qui s’immisce dans les affaires privées des pratiquants. Or, comme vous l’avez rappelé, la liberté de culte est en Belgique un droit constitutionnel.
Limiter à quinze le nombre de fidèles, quelle que soit la taille de l’église, de la synagogue, de la mosquée, c’est un non-sens en termes sanitaires, tout comme d’ailleurs accepter cinquante personnes à des funérailles mais seulement quinze pour les autres cérémonies. En réalité, ce qu’il faut, c’est une norme acceptable et, pour qu’elle soit acceptable pour les fidèles, les pratiquants, il faut qu’elle soit compréhensible en fonction des mètres carrés, tenant compte spécifiquement du risque de transmission du virus qui serait objectivé par les scientifiques (une personne par dix mètres carrés, par exemple). Je le répète; quinze fidèles dans une petite chapelle, ce n’est pas la même chose que quinze fidèles dans une grande église ou une cathédrale comme celle des Saints Michel et Gudule.
Au nom de tous ceux qui sont concernés, quelle que soit leur religion, je vous demande, monsieur le ministre, de plaider au sein du gouvernement l’élargissement mesuré vers des mesures de bon sens. Vous avez dit que, dès le 1er avril, il sera possible de tenir des offices à l’extérieur. Mais ce que les fidèles et les pratiquants souhaitent, c’est d’aller à l’intérieur des édifices religieux. Vous évoquez cette perspective du mois de mai pour une personne par dix mètres carrés en intérieur. Monsieur le ministre, je pense qu’on peut peut-être accélérer ce processus tout simplement parce que des églises, des édifices, des mosquées, des synagogues le permettent.
En cette période où la santé mentale est fortement impactée, comme vous le savez, pour les personnes croyantes, l’exercice du culte est quelque chose d’éminemment important. Ne pas pouvoir l’exercer peut aboutir à de profonds problèmes de mal-être personnel. En tant que responsable politique, monsieur le ministre, vous devez en prendre la mesure. Je vous remercie d’aller dans ce sens-là au sein du gouvernement.
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