A l’approche de l’élection présidentielle qui se tiendra en mai prochain, la situation politique au Burundi est plus complexe que jamais.
Le gouvernement mène une vague de répression sans précédent envers les personnes qui tentent de faire la lumière sur des abus ou d’informer sur des sujets sensibles. Poursuites judiciaires, menaces et actes d’intimidation ont contraint de nombreux activistes et journalistes à cesser de travailler sur les questions sensibles en matière politique ou des droits humains, voire à quitter le pays. Fin janvier, quatre journalistes ont été condamnés à deux ans et demi de prison à l’issue d’un procès entaché d’irrégularités.
A l’occasion d’une conférence à laquelle j’ai eu l’honneur de prendre part, il y a quelques semaines, consacrée aux génocides, maître Maingain, avocat de nombreuses victimes de cette répression burundaise, a mis en garde contre une situation qu’il a qualifiée de “pré-génocidaire” sur place, une menace que l’ONG SOS Torture/Burundi met également en évidence. Cette situation interpelle particulièrement et nous ne pouvons y rester indifférents.
J’ai donc interrogé le Ministre des Affaires étrangères, Philippe Goffin, afin d’avoir sa position sur cette situation. Je lui ai demandé s’il avait connaissance d’éléments concrets allant dans le sens d’un risque de génocide. Je l’ai également interrogé sur les échanges qu’il a pu avoir avec ses homologues européens sur le sujet. Enfin, après avoir réclamé des informations sur la légitimité du scrutin à venir, j’ai cherché à connaitre les leviers dont nous disposions pour tenter d’éviter un nouveau drame dans la région.
Voici la réponse du Ministre :
“Le processus électoral en cours, s’il réussit, permettra de garantir la stabilité et de consolider la démocratie au Burundi. Il reste néanmoins un certain nombre de défis à relever. Vous posiez la question des tensions ethniques: la situation des Tutsis est, en effet, difficile. La Constitution de 2018 efface pratiquement tous les acquits Arusha qui permettaient aux Tutsis d’avoir des places garanties dans les institutions et d’exercer un rôle dans la gestion du pays. Les Tutsis ont également été marginalisés dans l’armée où ils étaient traditionnellement forts.
Je ne m’avancerai pas pour autant à dire que le Burundi est en situation pré-génocidaire. Ainsi, les violences que nous constatons dans le cadre du processus électoral sont essentiellement dirigées contre les militants du parti CNL qui sont très majoritairement hutus. La crise reste avant tout politique. Néanmoins, l’histoire du Burundi et de la région nous invite à une vigilance particulière sur les questions ethniques et quelques discours de haine, à connotation ethnique, nous ont effectivement été rapportés ces derniers mois.
Dans nos contacts avec les autorités, nous leur demandons de prendre toutes les mesures nécessaires pour apaiser les tensions. Le Secrétaire général du parti et nouveau candidat du CNDD a annoncé quelques mesures à la fin du mois d’août dernier, mais nous constatons malheureusement que des incidents violents continuent d’émailler le processus électoral.
Vous posez la question des actions que la Belgique et ses partenaires de la communauté internationale peuvent entreprendre pour garantir le bon déroulement du processus électoral. Je tiens à dire que les autorités burundaises ont largement mis la communauté internationale à l’écart du processus électoral en refusant tout financement externe et toute mission d’observation européenne ou américaine. Cela ne veut pas dire pour autant que nous ne pouvons rien faire. Nous, les Européens, disposons d’un levier important en l’article 96. Les mesures de suspension d’aide de l’article 96 adopté en mars 2016 ont pour but d’inciter les autorités burundaises à faire des progrès dans un certain nombre de domaines tels que l’ouverture politique, les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Ces dernières semaines, nous avons constaté une volonté du gouvernement burundais de revenir autour de la table pour discuter de ces sujets. Nous serons chargés de leur expliquer que des élections libres et apaisées seront une étape fondamentale vers la levée des mesures article 96.
Par ailleurs, nous profitons de notre présence au Conseil de sécurité des Nations Unies pour garder le Burundi à l’ordre du jour du Conseil. Notre objectif est d’organiser un dialogue interactif informel sur le Burundi.
Enfin, je peux vous assurer que la situation au Burundi fait l’objet de consultations régulières avec nos partenaires européens.”
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