Journée de commémoration de la mémoire des victimes de génocides, ce vendredi à la Chambre.
En présence du Ministre de la Justice, du Président de la Chambre, mais aussi d’ambassadeurs, de représentants des cultes, d’associations et de jeunes de l’École Royale Militaire, d’écoles secondaires et d’université ; nous avons entendu plusieurs experts.
Cette journée, que j’ai créée il y a cinq ans maintenant, vise à transmettre la mémoire afin de ne jamais oublier et, surtout, d’insister sur la vigilance nécessaire pour prévenir de nouveaux événements dramatiques.
Voici le discours que j’ai tenu en ouverture de cette journée :

Un rendez-vous annuel extrêmement important à mes yeux. Avant toute chose pour les victimes et leur descendance. Raison pour laquelle je mets un point d’honneur à mobiliser mon énergie pour qu’il soit pérennisé.
Cette Journée nationale de commémoration, que j’ai eu l’honneur de proposer à la Chambre et qui, depuis son adoption en séance plénière, rassemble chaque année des représentants de notre société.
Elle a pour vertu de raviver notre devoir de mémoire, de transmettre les leçons du passé et d’agir, autant que faire se peut, pour prévenir la survenance de ces tragédies.
Le terme de génocide, tel qu’il a été défini par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, fait référence aux actes commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux.
Cette définition, bien que précise, est souvent source de débats et de controverses, car elle met en lumière une vérité difficile : le génocide n’est pas qu’un épisode du passé, il est une menace toujours présente mais l’intention qui le sous-tend est évidemment complexe à déterminer.
Mesdames, Messieurs, nous commémorons aujourd’hui les victimes de la Shoah, celles du génocide des Arméniens, des Assyriens, des Grecs pontiques, les victimes des crimes des Khmers rouges, du massacre de Srebrenica, et du génocide des Tutsi au Rwanda. Génocide dont nous commémorons le 30ème anniversaire.
Mais nous pensons également aux victimes de l’Holodomor et des crimes perpétrés contre les Yézidis. Des événements dramatiques que notre Assemblée a reconnu en tant que génocides.
Ces événements tragiques, très distincts dans leur contexte, partagent une même origine : l’intolérance absolue, la déshumanisation de l’autre, et la haine institutionnalisée.
“Plus jamais ça.” Ces mots résonnent souvent, mais sont-ils suffisants ?
Dans l’actualité contemporaine, depuis les horreurs de la Shoah, d’autres génocides ont malheureusement été perpétrés. Le Rwanda, en 1994, a vu plus d’un million de Tutsi assassinés en à peine trois mois. Cette extermination, planifiée et exécutée avec une brutalité sans nom, reste l’un des échecs les plus cuisants de la communauté internationale. A cette époque, j’étais journaliste-reporter de guerre. Comment oublier le mois que j’ai passé au pays des mille collines : la haine orchestrée par Radio Télévision Mille Collines hante encore nos mémoires. Comment oublier la sauvagerie des bourreaux annihilant toute forme d’humanité, les images déchirantes de détresse, le chaos inhumain, la peur dans tous les yeux croisés… Tout cela sous le regard impuissant des casques bleus des Nations-Unies dont dix des nôtres y ont laissés la vie.
Ces événements tragiques gravés en moi, m’ont convaincu encore plus de l’importance de transmettre et d’agir.
Mais que signifie se souvenir ? Se souvenir, c’est refuser l’oubli. C’est honorer la mémoire des victimes, mais aussi comprendre les mécanismes qui peuvent mener au pire.
Le génocide commence toujours par des mots : des discours de haine, des idéologies qui déshumanisent. Des idées qui, je le déplore autant que j’en suis extrêmement inquiet, trouvent une place de plus en plus importante dans notre société actuelle.
Ces idées, ces mots qui risquent de se transformer en actes, puis en tragédies collectives.
Le souvenir, c’est donc aussi une arme contre la banalisation de ces discours et une manière de préserver notre humanité.
La transmission, elle, est essentielle. Nous sommes les gardiens de cette mémoire, mais nous devons aussi en être les passeurs. Cette transmission commence par l’éducation. Les jeunes générations doivent comprendre ce qu’ont vécu les victimes et les survivants.
Elles doivent connaître les signes avant-coureurs, apprendre à détecter les discours extrémistes et comprendre que la haine, sous toutes ses formes, est un poison.
La prévention est le corollaire de la mémoire et de la transmission.
Prévenir, c’est rester vigilant face à la montée des extrémismes, des idéologies racistes et antisémites, des discours de division. Les victoires des partis extrémistes qui se multiplient dans le monde d’aujourd’hui sont un signal d’alarme.
La paix, la tolérance, et le respect de l’autre ne sont jamais acquis. Que du contraire, ils sont fragiles et précaires. Ils doivent être défendus chaque jour, par chacun d’entre nous.
Permettez-moi de citer Elie Wiesel, rescapé de la Shoah et lauréat du prix Nobel de la paix : “Le bourreau tue toujours deux fois, la seconde par l’oubli.”
Nous avons une responsabilité collective pour que cet oubli ne survienne jamais.
Car oublier, c’est ouvrir la porte à de nouvelles atrocités. Oublier, c’est permettre que la haine, la peur et l’ignorance reprennent le dessus.
En cette période marquant le 30e anniversaire du génocide des Tutsi, nous devons nous interroger : qu’avons-nous appris ?
Nous avons appris que la communauté internationale doit réagir rapidement. Que le silence et l’inaction sont les complices des bourreaux. Que les mécanismes de haine sont universels, mais que leur prévention nécessite une réponse locale, adaptée et proactive.
Nous avons appris, surtout, que chaque voix compte. Les survivants, en témoignant, portent une lumière dans les ténèbres. Mais il est de notre devoir de relayer cette lumière. Comme le disait Winston Churchill : “Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre.”
Mesdames et Messieurs, je vous invite aujourd’hui à réfléchir à ce que nous pouvons faire, individuellement et collectivement, pour bâtir un monde où les différences ne divisent pas mais nous enrichissent.
Où la diversité est une force et non une menace.
Où les valeurs de tolérance, de respect et de dignité humaine ne sont pas de simples slogans, mais des principes vivants et ardemment défendus.
“L’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine, et la haine conduit à la violence”, écrivait déjà le philosophe Averroès il y a près de mille ans.
Alors combattons l’ignorance. Combattons la peur. Combattons la haine. Ensemble, éduquons, sensibilisons et agissons pour que ce flambeau de la mémoire reste vivant.
Je vous remercie pour votre présence aujourd’hui, pour votre engagement, et pour votre rôle en tant que passeurs de mémoire.
Que cette journée soit non seulement un moment de recueillement, mais aussi, et surtout, un appel à l’action. Dans un monde en pleine mutation, où des conflits atroces s’éternisent et sèment l’effroi, certains dans la lumière médiatiques, d’autres non, l’utopie, l’idéal doivent être nos guides. Pour que, peut-être un jour, nous puissions dire : plus jamais ça. »
Commentaires récents