Ce jeudi en séance plénière, la proposition que je porte depuis plus d’un an maintenant concernant les adoptions illégale a été adoptée à l’unanimité !
Ce texte reconnait la survenance de ces adoptions frauduleuses. Les députés y présentent leurs excuses aux victimes pour leurs souffrances.
Il demande également la mise en place d’une enquête indépendante devant faire la lumière sur les faits, afin que de tels actes ne puissent plus se reproduire.
Il accorde, enfin, aux victimes, soutien et protection.
𝑉𝑜𝑖𝑐𝑖 𝑚𝑜𝑛 𝑖𝑛𝑡𝑒𝑟𝑣𝑒𝑛𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑎̀ 𝑐𝑒𝑡𝑡𝑒 𝑜𝑐𝑐𝑎𝑠𝑖𝑜𝑛 :
« Madame la Présidente, Chers collègues.
Voici la plupart du temps le seul souvenir que les victimes d’adoptions illégales conservent de leur vie d’avant, la vie qu’elles auraient dû vivre, si elles n’avaient pas été kidnappées, arrachées par des trafiquants à leurs parents d’origine.
Ces deux petits chaussons, c’est donc, en plus d’un dossier d’adoption truffés d’incohérences, la seule chose qui rattache l’une d’entre elles, Coline Fanon, à son passé, à sa première identité, celle de Mariella, ce bébé né au Guatemala dans les années 80 et enlevé à l’hôpital à l’âge de deux jours et faussement déclarée morte auprès de sa mère .
Adoptée en Belgique, elle vivait une vie paisible, dans la banlieue de Bruxelles, jusqu’au jour, à 30 ans, où ses enfants lui ont demandé : « Maman, que sais-tu de tes origines ? »
Ce déclic a été le début d’un tremblement de terre. En examinant méticuleusement son dossier, elle est tombée sur des incohérences, puis des erreurs manifestes et a découvert la terrible vérité.
En réalité, Mariella, n’était pas morte, mais avait été enlevée par un réseau de trafiquants d’enfants créé par la belle sœur du président du Guatemala. Elle a été enfermée dans une chambre, avec de nombreux autres nouveau-nés, la plupart du temps attachée par les bras au barreau d’un lit. Ce calvaire a duré onze mois.
Par la suite, elle a été vendue, via une association basée à Tournai, Hacer Puente, véritable plaque tournante de ce trafic en Europe.
La famille adoptive en revanche ne savait rien. Grugée, comme la famille d’origine, par les trafiquants qui lui soutiraient toujours plus d’argent.
Une famille qui a suivi la procédure classique et légale, qui a fait confiance à l’administration belge.
Il y a trois ans, Coline ou Mariella, c’est selon, a retrouvé sa mère et son père biologique et découvert qu’elle avait 9 frères et sœurs, dont l’un croupit aujourd’hui en prison, pour avoir 35 ans plus tard demandés le certificat de naissance de sa sœur belge à l’administration du pays.
En 2022, la vérité de Coline est toujours une vérité qui dérange en très haut lieu. Me croirez-vous si je vous dis qu’Edmond Mulet, ancien bras droit de Ban Ki Moon aux Nations Unies, est l’un de ces trafiquants d’enfants et se présente à la présidentielle de son pays en 2024 ?
Cette histoire, c’est celle de Coline. Mais j’aurais pu vous raconter celle de Saartje, de Ann, de Prad, de Yung, de Miranda et de bien d’autres personnes adoptées illégalement, ou encore celle de Sébastien, d’Irène ou de Maria, parents adoptifs désabusés. Tous ici présent en tribune comme à chaque séance de nos commissions.
Chacune de leurs histoires dépasse l’entendement.
Coline est hélas l’arbre qui cache la forêt, que dis-je, la jungle de l’adoption internationale.
Comment, dans notre pays, de telles adoptions ont-elles pu être authentifiées, validées, alors que les incohérences étaient là ?
Concrètement : des dossiers incomplets, des dates de naissance absurdes, des photos qui ne correspondaient pas aux enfants arrivés, des enfants nés officiellement d’une mère de plus de 90 ans, et j’en passe.
Dans chaque dossier, il y a trois victimes : la personne adoptée, sa famille d’origine et sa famille adoptive.
J’ai d’ailleurs eu l’occasion de rencontrer les parents adoptifs de plusieurs enfants nés au Congo et adoptés en Belgique en 2016…il y a quelques années à peine… Preuve s’il en est que ce genre de situations existe encore.
Un jour, la police a frappé à leur porte pour leur annoncer que l’enfant qu’ils avaient adopté en toute bonne foi et auquel ils donnaient tant d’amour était en réalité victime d’un kidnapping, et que leur famille d’origine avait été localisée au Congo par la justice belge.
Comment vivre avec ce poids ? Alors que vous avez tout fait dans les règles de l’art ?
Notre résolution doit aboutir à ce que les failles qui ont permis cela ne puissent plus exister.
Dans celle-ci, notre assemblée reconnait la survenance de ces adoptions, et présente à l’ensemble des victimes ses excuses pour leurs souffrances.
C’était primordial. Rachid Madrane, alors ministre compétent en fédération Wallonie Bxl l’a lui-même déclaré en 2018 : je cite « il est manifeste que l’existence même de cette situation justifie que des excuses soient présentées à l’ensemble des victimes », fin de citation.
Nous demandons une vaste enquête administrative indépendante. Un panel d’experts chargé de faire toute la lumière sur ces événements, de détecter les lacunes de notre système et de les combler.
Alors, le gouvernement devra reconnaitre, lui aussi, la survenance de ces adoptions illégales, et reconnaitre les personnes concernées comme des victimes.
Viennent ensuite d’autres demandes très concrètes, (déjà évoquées par les collègues) pour soutenir et protéger les victimes.
Il est temps de changer de paradigme : trop souvent, on cherchait un enfant pour une famille et non pas une famille pour un enfant. C’est cela qu’il faut inverser.
L’intérêt de l’enfant doit être la considération absolue.
Notre résolution est d’autant plus urgente que les cas d’adoptions illégales surviennent encore. Je reçois encore aujourd’hui de nouveaux témoignages.
En septembre dernier j’ai été invité à présenter ce texte devant l’ONU, à Genève. A la suite de cette audition, plusieurs comités ont décidé de s’emparer du dossier.
Les Pays-Bas, la Suisse et la Suède ont réalisé leur enquête. La France et le Danemark vont suivre. L’Espagne a annoncé à la suite de notre vote en commission nous emboiter le pas.
Une prise de conscience internationale s’opère, et je suis fier que notre pays soit parmi les pionniers en la matière.
Je suis fier de l’espoir que nous rendons aux victimes d’adoptions illégales.
J’aimerais remercier l’ensemble des partis, majorité comme opposition qui ont travaillé de façon constructive à notre texte.
Je fais le vœu que ce dernier soit adopté, comme ce fut le cas en commission, à l’unanimité.
Pour que, plus jamais, des victimes n’aient pour seul lien avec leur véritable identité de petits chaussons entachés, pour leur vie, par cet odieux trafic d’enfants. »
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